L’amélioration des conditions de transport aérien, maritime et terrestre des animaux nécessite une coopération internationale. C’est pourquoi l’atelier tenu en novembre 2022 organisé au Caire (Égypte) par l’OMSA a réuni les principaux acteurs du transport d’animaux entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Ce « Scénario de voyage complet » a été l’occasion de partager les meilleures pratiques et de combler les écarts entre les réglementations internationales et la situation réelle des animaux, dans le cadre de la plateforme européenne pour le bien-être animal. La Dre Rachel Dodeen, de Jordanie, et le Dr Ubeda Ortiz, d’Espagne, ont tous deux participé à l’atelier.
Transport d’animaux et bien-être : préoccupations citoyennes et pertes économiques
« Les mauvaises conditions de transport des animaux augmentent le stress de ces derniers et ont un effet direct sur leur santé. Ils peuvent provoquer des blessures, des maladies et, dans certains cas, la mort d’animaux qui étaient en bonne santé avant le transport. C’est pourquoi les mauvaises conditions de transport ne constituent pas seulement un problème éthique, mais ont également de graves conséquences économiques pour les exportateurs. La propagation de maladies parmi les animaux faibles ou malades devient un problème auquel les pays de destination doivent faire face », déclare le Dr Ubeda Ortiz, l’un des vétérinaires officiels travaillant au point de sortie des animaux vivants dans le port de Carthagène, en Espagne. Carthagène, l’un des principaux ports d’Europe pour l’exportation d’animaux vivants, est un point d’arrivée pour les véhicules routiers et souvent le dernier point où les conditions de bien-être des animaux peuvent être contrôlées avant que les navires n’atteignent leur destination.
Application des lois nationales au transport d’animaux
La Dre Rachel Dodeen travaille en Jordanie, à l’autre bout d’une route maritime : elle dirige le département de quarantaine du ministère jordanien de l’Agriculture. Comme le Dr Ubeda Ortiz, la Dre Dodeen est un point focal de l’OMSA pour le bien-être animal. En Jordanie, il existe une réglementation sur le bien-être animal, avec une procédure à suivre et des sanctions en cas d’infraction. « Mais le droit écrit ne suffit pas. Il faut l’appliquer », déclare la Dre Dodeen. « C’est pourquoi nous avons besoin d’une coopération continue entre les autorités vétérinaires des pays exportateurs, de transit et importateurs, afin qu’elles puissent échanger des rapports sur les violations du bien-être animal ou sur une mauvaise application. »
Former les acteurs du transport animal est essentiel
En Jordanie, la plupart des animaux importés arrivent par le port d’Aqaba, sur la mer Rouge. D’après l’expérience de la Dre Dodeen, « ce qui fait vraiment la différence pour le bien-être animal, c’est un voyage bien planifié et un personnel bien formé : des vétérinaires, des chauffeurs, des manipulateurs d’animaux, des propriétaires et des fonctionnaires, qui sont en mesure de vérifier les conditions d’expédition des animaux et d’enquêter dessus correctement ».
En Espagne, le Dr Ubeda Ortiz partage cet avis : « Les opérateurs économiques doivent être pleinement conscients de l’impact des conditions du transport animal. Les règles relatives au bien-être animal peuvent être perçues comme des coûts supplémentaires, comme le fait d’emmener moins d’animaux dans un véhicule donné ou de dépenser plus en approvisionnement et en équipements coûteux, mais ils doivent comprendre que cet investissement n’est pas seulement obligatoire en vertu de la loi, mais qu’il contribue également à augmenter la valeur de leur opération. Lorsque cette prise de conscience existe, il est beaucoup plus facile de relever les autres défis », déclare-t-il.
Moins de 40% des Membres en Europe coopèrent avec le pays de destination avant, pendant ou après le voyage.
Source : Enquête – Transport longue distance d’animaux vivants : Les normes et meilleures pratiques de l’OMSA, y compris la perception sociétale et les aspects liés à la communication (47 Membres sur 53 en Europe ont participé)
Un nouveau réseau de contacts pour le bien-être animal
L’atelier « Scénario de voyage complet » qui s’est déroulé en 2022 a permis aux responsables du bien-être animal travaillant sur des itinéraires de transport similaires d’échanger leurs expériences avec leurs pairs et de voir comment gérer au mieux les situations les plus difficiles, telles que les manipulateurs d’animaux négligents ou les réglementations non respectées. « L’atelier a réuni des représentants des pays européens, qui sont principalement des exportateurs, et des pays du Moyen-Orient, qui sont principalement des importateurs d’animaux vivants. Nous avons identifié un point faible : le manque de communication et de suivi, une fois que le voyage a commencé », explique la Dre Dodeen.
« L’un des principaux enseignements de cet atelier a été la mise en place d’un réseau de contacts, qui sera très utile pour échanger des informations et mieux détecter les problèmes avant qu’un chargement animal n’atteigne sa destination finale », explique le Dr Ubeda Ortiz. « Il sera particulièrement précieux en cas d’urgence, pour clarifier les circonstances qui ont conduit à un problème et aider à le prévenir à l’avenir. Les plans d’urgence impliquent souvent des autorités de différents pays ; il est donc essentiel de se connaître et de se comprendre. »
L’Observatoire : contrôler l’application des normes en matière de bien-être animal
Outre l’organisation d’ateliers spécifiques sur le sujet, l’OMSA surveille la mise en œuvre des normes relatives au bien-être animal pendant le transport par les Membres. Le premier Rapport annuel de l’Observatoire, publié en 2023, comprend une section sur le bien-être animal. L’Organisation a désormais l’intention de poursuivre ses travaux sur le transport animal en menant une étude thématique qui étudiera les obstacles et les défis auxquels les Membres peuvent être confrontés lors de la mise en œuvre des normes relatives à ce sujet.
Améliorer la coopération transfrontalière en matière de bien-être animal
L’une des principales missions de l’OMSA consiste à construire de réseaux internationaux de pairs, pour améliorer la coopération et faire face aux situations d’urgence. C’est pourquoi la question du transport d’animaux a été abordée lors de la dernière conférence régionale pour l’Europe, en octobre 2022. En outre, le plan d’action actuel de la plateforme sur le bien-être animal pour l’Europe (2021-2023) prévoit des supports de formation, des ateliers de formation et la création d’un réseau de points de contact sur le transport à longue distance pour l’Europe. Le réseau prévoit une réunion en Irlande en juin 2023, avec un atelier régional de « Scénario de voyage complet ». Un atelier multirégional de « Scénario de voyage complet » pour l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient doit avoir lieu en Tunisie au second semestre 2023 afin de renforcer davantage la communication et la collaboration pour améliorer le bien-être animal lors du transport.
Covid-19, Ebola, SRAS… Les pandémies auxquelles nous avons dû faire face au cours des dernières décennies ont constamment démontré que nous avons besoin d’une étroite collaboration au niveau international pour prévenir les menaces sanitaires, s’y préparer et y répondre. Ces pandémies ont un autre point commun : elles proviennent toutes d’animaux. Afin de préserver la santé animale, nos économies et nos communautés qui dépendent des animaux, ainsi que notre propre santé en tant qu’êtres humains, le personnel vétérinaire a un rôle clé à jouer dans tous les efforts de lutte contre les zoonoses et les pandémies en général.
La prévention, la préparation et l’intervention en cas de pandémie avec une approche Une seule santé
En 2022, l’OMSA s’est activement investie dans des initiatives de premier plan dans le domaine de la prévention, de la préparation et de l’intervention en cas de pandémie. Depuis octobre 2022, la lutte contre les menaces sanitaires a été renforcée au niveau international. Un plan d’action conjoint Une seule santé a été lancé par la collaboration Quadripartite (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, Programme des Nations unies pour l’environnement, Organisation mondiale de la santé et OMSA), afin de regrouper les systèmes et les capacités pour mieux lutter collectivement contre les menaces sanitaires. Ce plan repose sur un concept plus pertinent que jamais : les santés humaine, animale et végétale sont interdépendantes et liées à la santé des écosystèmes dans lesquels elles existent.
L’OMSA a travaillé avec ces partenaires internationaux afin de définir un plan sur cinq ans (2022-2026) pour Une seule santé, portant principalement sur six domaines :
- capacités pour la résilience des systèmes de santé,
- épidémies et pandémies de zoonoses émergentes et ré-émergentes,
- maladies zoonotiques endémiques et maladies tropicales négligées et à transmission vectorielle,
- risques en matière de sécurité alimentaire,
- résistance aux antimicrobiens,
- et l’environnement.
En examinant ces domaines de plus près, on peut remarquer qu’il existe un lien étroit entre chacun de ces défis et la santé et le bien-être des animaux. Les animaux peuvent être les vecteurs de maladies et se trouver au centre de nos problématiques de sécurité alimentaire, mais ils peuvent également contribuer à la santé et au bien-être des humains et souffrir de la résistance aux antimicrobiens. Si nous voulons garantir notre santé, nous devons d’abord garantir celle des animaux.
L’approche Une seule santé tire les enseignements de l’expérience récente de la pandémie de Covid-19, qui a mis au jour des faiblesses et un morcellement ou une insuffisance d’investissement dans les outils et systèmes de gestion des urgences sanitaires. L’approche Une seule santé fournit un cadre d’orientation et d’assistance technique aux pays, aux partenaires internationaux, ainsi qu’aux organisations non-gouvernementales et au secteur universitaire. Elle encourage la coopération entre pays et secteurs, tout en incitant les communautés à trouver des solutions et développer de nouveaux outils et technologies visant à prévenir, se préparer et répondre aux menaces pesant sur la santé. C’est également un outil pour la communauté internationale afin d’aider les pays à renforcer leur capacité à faire face à de futures menaces sanitaires. La sécurité sanitaire mondiale est un bien public, qui nécessite des investissements à l’échelle locale, régionale et nationale.
Apporter les moyens financiers requis pour atteindre nos objectifs
En l’absence d’investissements financiers soutenus, l’approche Une seule santé ne peut pas garantir d’impact à long terme. Un des nouveaux outils financiers est le Fonds de lutte contre les pandémies, lancé en novembre 2022 lors de la conférence du G20. Le fonds est hébergé par la Banque mondiale, et l’OMS en est le chef de file technique. Il a ouvert son premier appel à propositions tout de suite après la conférence, et a déjà reçu plus de 1,4 milliards de dollars américains d’engagements financiers. L’OMSA apporte un appui technique constant aux Services vétérinaires et encourage à mener des actions collaboratives avec leurs homologues dans les ministères en charge de la santé et de l’environnement afin de soumettre des propositions communes pour le Fonds.
L’OMSA s’implique également activement dans les discussions relatives à l’élaboration d’un nouvel accord international, dénommé instrument de lutte contre les pandémies, qui est actuellement en cours de négociation et dont l’Assemblée mondiale de la Santé devrait convenir en mai 2024.
Maintenant qu’Une seule santé est reconnue comme un moyen de faire face collectivement et efficacement aux menaces sanitaires à l’interface animaux-humains-environnement, et que la structure de gouvernance et les mécanismes de financement sont lancés, il est temps de passer aux actions sur le plan pratique.
L’OMSA réitère son message fort : le personnel vétérinaire est sur la ligne de front pour mettre en œuvre l’approche Une seule santé afin de prévenir les maladies zoonotiques, de protéger la santé humaine et de garantir la sécurité alimentaire, entre autres objectifs. En 2023, l’OMSA continuera à plaider en faveur d’une meilleure reconnaissance du personnel vétérinaire comme acteur clé dans les politiques sanitaires mondiales.
Parce que la santé animale est notre santé. C’est la santé de tous.
Dre Monique Éloit
directrice générale de l’OMSA
Notre agenda pour le personnel vétérinaire
Septembre 2023
Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies sur la prévention, la préparation et la riposte aux pandémies
Janvier 2024
Lancement de notre campagne pour le 100e anniversaire de l’OMSA
Septembre 2024
Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies sur la résistance aux antimicrobiens
Si la plupart des gens connaissent le travail des vétérinaires, ils sont moins nombreux à connaître les vaccinateurs, les laborantins ou les inspecteurs de viandes qui forment le personnel des paraprofessionnels vétérinaires dans de nombreux pays. Dans les zones rurales où les vétérinaires font défaut et où les populations n’ont pas toujours les moyens de s’offrir leurs services, les paraprofessionnels vétérinaires sont essentiels pour préserver la santé des animaux, informer les populations sur les bonnes pratiques et détecter les maladies animales susceptibles de donner lieu à des épidémies. Pour soutenir le développement de leurs capacités et du personnel des paraprofessionnels vétérinaires en général, l’OMSA a entrepris de multiples missions pour faire progresser leurs formations dans divers pays en 2022, dans le cadre d’un projet pilote pour les nouvelles « Activités de soutien ciblé » du Processus PVS.
Aligner les formations des paraprofessionnels vétérinaires aux normes de l’OMSA
Des activités de soutien au cursus de formation des paraprofessionnels vétérinaires ont eu lieu au Togo de novembre 2021 à mars 2022, permettant aux deux établissements d’enseignement nationaux participants d’évaluer leurs propres cursus à l’aune des lignes directrices de l’OMSA en matière de cursus de formation et de compétences.
« L’analyse de nos programmes de formation a montré des divergences avec les lignes directrices de l’OMSA. Nous avons travaillé en groupes avec l’outil Curricula Alignement Matrix (CAM) de l’OMSA pour améliorer notre programme académique actuel afin qu’il corresponde aux recommandations de l’Organisation », explique le Dr Soedji, directeur général de l’Institut national de formation agricole (INFA) du Togo. « Notre programme était organisé par thème, mais après l’évaluation, nous avons décidé de nous concentrer sur les objectifs d’apprentissage pour les paraprofessionnels vétérinaires », explique-t-il.
D’autres questions ont été soulevées, notamment celle de l’étendue du travail des paraprofessionnels vétérinaires : « Certains ne sont pas pleinement conscients de l’étendue de leurs tâches et effectuent des actes médicaux qu’ils ne sont pas censés faire », souligne-t-il. Le soutien de l’OMSA a permis de renforcer les liens entre les vétérinaires du secteur privé et ceux du secteur public grâce à l’harmonisation des cursus de formation à destination des paraprofessionnels vétérinaires.
« La formation a modifié la manière dont nous travaillons »
M. Sanita Lare, paraprofessionnel vétérinaire au Togo et bénéficiaire du cursus de formation continue en 2022
Déployer l’outil d’évaluation des formations pour atteindre de nouveaux bénéficiaires
À la suite du succès de l’évaluation pilote du cursus de formation au Togo, une mission similaire a été mise en place en Géorgie en septembre 2022. Pour la responsable de la qualité au collège Amagi de Gori, Nino Dvali, cette évaluation – la première du genre en Europe – a permis à l’équipe géorgienne de poser un diagnostic sur son cursus de formation : « Nous avons identifié de nombreuses lacunes dans nos programmes. Par exemple, nous n’avons prévu que quelques heures de formation en laboratoire pour les étudiants et nous avons besoin de nouveaux équipements. L’équipe de l’OMSA nous a aidé à formuler des recommandations pour notre gouvernement, car nous ne pouvons pas changer les programmes nous-mêmes », dit-elle. Une lacune a également été relevée dans l’étude de certaines maladies animales : « Les experts ont souligné que notre cursus de formation ne couvrait que les maladies des vaches, des chiens et des chats, et qu’il y avait une lacune importante concernant les maladies des poissons », remarque Mme Dvali.
La phase de mise en œuvre de la mission est très attendue par Mme Dvali et son équipe, car la formation de paraprofessionnels vétérinaires est une question cruciale en Géorgie, où l’âge moyen des vétérinaires est supérieur à 60 ans et où une pénurie de professionnels qualifiés se profile.
Constater les avantages d’une meilleure formation sur le terrain
M. Sanita Lare, paraprofessionnel vétérinaire travaillant au Togo, a également bénéficié des programmes de formation de l’OMSA en 2022. Lui et les autres participants ont reçu une formation continue axée sur la pratique et le perfectionnement de compétences allant de la contention des animaux au prélèvement d’échantillons sanguins dans la queue et les veines jugulaires. « Nous essayons de mettre en œuvre ce que nous avons appris, comme se laver les mains et changer de vêtements et de bottes entre deux inspections. La formation a modifié la manière dont nous travaillons », déclare-t-il.
Assistant du vétérinaire régional, M. Lare est très conscient des difficultés locales : « L’automédication, la pénurie de vaccins et la réticence à vacciner sont des problèmes majeurs que nous rencontrons sur le terrain », explique-t-il. En communiquant avec les communautés rurales et les autorités chargées de la santé animale, les paraprofessionnels vétérinaires jouent un rôle majeur dans le maintien de la santé animale et la prévention de la propagation des maladies : « Nous sommes par exemple en mesure de lancer des enquêtes si la mortalité d’une espèce est plus élevée que d’habitude », explique-t-il. La formation adéquate de ce personnel essentiel pourrait bien être l’élément clé de la prévention de la prochaine crise sanitaire mondiale, d’autant plus que 75 % des maladies émergentes affectant les humains trouvent leur origine chez les animaux.
Soutenir la formation vétérinaire : nos outils ciblés
Outre l’habilitation des paraprofessionnels vétérinaires par la formation, l’OMSA a mis au point une série d’outils pour aider ses Membres à combler les lacunes de l’enseignement vétérinaire identifiées dans les rapports d’évaluation PVS. Il s’agit notamment de lignes directrices pour la formation de base, de recommandations sur les compétences des vétérinaires en fin d’études et d’un guide sur les projets de jumelage dans le domaine de l’enseignement.
Annamaria Conte est directrice de l’unité des statistiques et du système d’information géographique à l’Istituto Zooprofilattico Sperimentale (IZS) dell’Abruzzo e del Molise « G. Caporale » de Teramo.
Paolo Calistri dirige le service d’épidémiologie et de santé publique de l’IZS-Teramo.
Comment les maladies à transmission vectorielle telles que la fièvre de la Vallée du Rift se propagent-elles ?
Paolo Calistri : La fièvre de la Vallée du Rift est une maladie vectorielle qui se transmet via des piqûres de moustiques infectés. La maladie touche les animaux domestiques tels que les buffles, les chameaux, les bovins, les caprins et les ovins. Les animaux sauvages peuvent quant à eux servir de réservoirs du virus dans certaines régions d’Afrique. La maladie peut également toucher les humains. Elle peut se propager par les mouvements d’animaux infectés, mais cette voie de diffusion peut être contrôlée par les réglementations du commerce international. Une autre voie est celle des vecteurs infectés, dans ce cas plusieurs espèces de moustiques identifiées sont capables de transmettre le virus. Inutile de dire qu’il n’existe pas de mesures de contrôle pour empêcher les moustiques de franchir les frontières nationales ! Grâce au vent ou à d’autres mécanismes passifs (à l’intérieur des avions, des cargaisons maritimes, etc.), ils peuvent parcourir de longues distances.
Le projet PROVNA*, lancé dans le cadre de l’initiative de l’OMSA, vise à aider les pays d’Afrique du Nord à cibler leur surveillance sur la fièvre de la Vallée du Rift, en exploitant les données de télédétection et d’observation de la Terre. En aidant les pays d’Afrique du Nord à établir un système d’alerte précoce et à maîtriser la propagation de la fièvre de la Vallée du Rift, nous aidons tout le monde, y compris d’autres régions voisines telles que l’Europe méditerranéenne et le Moyen-Orient.
*« Defining Ecoregions and Prototyping on Earth Observation (EO)-based Vector-borne Disease Surveillance System for North Africa » (Définition des écorégions et prototypage d’un système de surveillance des maladies à transmission vectorielle basé sur l’observation de la Terre pour l’Afrique du Nord)
Quelle est l’utilité des données environnementales et climatiques dans la prévision des mouvements de populations de moustiques ?
Annamaria Conte : Nous cherchons à identifier des écorégions en Afrique du Nord qui présentent des caractéristiques similaires, notamment en termes de température, d’environnement, de végétation et d’humidité du sol. Nous utilisons des données d’observation de la Terre de la NASA et des données à haute résolution du programme européen Copernicus, combinées à des données sur la population animale et l’apparition de la fièvre de la Vallée du Rift, extraites du Système mondial d’information zoosanitaire (WAHIS) et du programme Empres-I de la FAO. Si des moustiques infectés apparaissent dans l’une de ces zones, nous pouvons nous attendre à ce que des zones similaires soient également à risque d’abriter le virus.
Nous combinons des données spatiotemporelles pour construire un prototype qui devrait être capable de prédire l’emplacement des zones à risque et le moment où le risque peut se matérialiser. Nous prenons en compte les conditions passées de température, de précipitations et de végétation : en observant le passé, nous pouvons prévoir l’avenir.
Quelles expertises sont nécessaires pour concevoir un tel modèle ?
A. C. : Le groupe que je dirige est composé de mathématiciens, de statisticiens et de géographes. Nous collaborons avec l’équipe de vétérinaires et d’épidémiologistes de Paolo, ce qui constitue un environnement transdisciplinaire parfait. Ensemble, nous identifions les indicateurs les plus pertinents pour chaque maladie à partir des données d’observation de la Terre et nous appliquons des techniques d’apprentissage automatique et d’intelligence artificielle pour cartographier les zones à risque d’infection. Notre premier modèle concernait la propagation de la fièvre de West Nile en Italie : nous avons pu prédire 15 jours à l’avance les zones dans lesquelles les conditions climatiques et environnementales favorables à la propagation du virus étaient les plus susceptibles de se produire. Avec PROVNA, nous développons un modèle similaire pour la fièvre de la Vallée du Rift en Afrique du Nord.
Comment ces informations seront-elles utilisées pour lutter contre les maladies à transmission vectorielle ?
P. C. : Nous ne pouvons pas arrêter les moustiques. Toutefois, si nous savons à l’avance quand et où les moustiques sont le plus susceptibles de se propager et d’infecter le bétail, nous pouvons planifier des campagnes de vaccination et des mesures d’urgence au bon endroit et au bon moment. Le modèle nous sert de système d’alerte précoce efficace, qui peut être associé à un plan d’urgence. Par exemple, les hôpitaux peuvent savoir où et quand la saison des moustiques débutera cette année, et s’y préparer.
Le modèle peut-il être adapté à d’autres maladies ?
A. C. : Nous pouvons appliquer une méthodologie similaire à la fièvre de la Vallée du Rift, comme nous l’avons fait pour la fièvre de West Nile, et développer un modèle similaire en utilisant des jeux de données différents. Mais nous devons savoir quelles variables jouent un rôle dans la propagation de la maladie, car chaque maladie à transmission vectorielle présente des vecteurs spécifiques influencés par certains facteurs. Nous examinerons différentes caractéristiques environnementales et climatiques pour repérer différentes espèces de moustiques ou d’autres vecteurs, tels que les tiques. D’où l’importance de travailler de manière transdisciplinaire, avec des épidémiologistes, des entomologistes et des statisticiens.
Comment envisagez-vous de collaborer avec les autorités vétérinaires nationales ?
P. C. : Si tout se passe bien, le modèle sera disponible à l’été 2023. Avec le soutien de l’OMSA, nous avons pris contact avec les Services vétérinaires nationaux des pays d’Afrique du Nord afin d’organiser des sessions de formation et de discuter de la manière dont le modèle peut être amélioré à l’aide de leurs propres données de terrain, par exemple des données entomologiques quantitatives. Plus nous introduirons d’informations dans le modèle, plus il sera précis. Après s’être approprié le modèle, les Services vétérinaires pourront l’utiliser pour mieux cibler la surveillance de la fièvre de la Vallée du Rift et planifier l’utilisation optimale de leurs ressources en cas d’urgence.
Imaginez : en novembre 2022, la petite ville brésilienne de Presidente Getúlio est le théâtre d’un événement sans précédent. 230 professionnels représentant divers secteurs se réunissent pour répondre à la simulation d’une situation d’urgence zoosanitaire : l’apparition d’un foyer de peste porcine africaine. Leur objectif est de tester en conditions réelles le plan d’urgence national contre cette maladie porcine mortelle, avec la participation de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA).
Le Brésil est épargné par la peste porcine africaine depuis 1984, mais des cas ayant récemment touché les Amériques, les Services vétérinaires nationaux et régionaux veillent à ce que tous les acteurs concernés soient bien préparés en cas d’apparition d’un foyer. « Les services vétérinaires locaux, régionaux et nationaux ont participé à l’exercice, de même que la police, les pompiers, les agriculteurs, le secteur de l’industrie : tous ceux pour qui il est nécessaire de savoir comment agir en cas d’urgence zoosanitaire ont participé à l’exercice. Notre objectif était de mettre en pratique le nouveau plan d’urgence du Brésil, de nous assurer de son bon fonctionnement et de procéder aux ajustements nécessaires », explique la docteure Sabrina Tavares, coordinatrice régionale pour la santé de la filière porcine au sein des services de santé animale de Santa Catarina, qui a organisé et coordonné l’événement. Des représentants de pays voisins, comme le Chili, ont également participé à l’exercice de simulation, aux côtés d’experts de l’OMSA.
Exercice de simulation d’un foyer de peste porcine africaine au Brésil
Photos © CIDASC – Companhia Integrada de Desenvolvimento Agrícola de Santa Catarina.
Faire face à une situation d’urgence : la valeur du travail en équipe et d’un leadership affirmé
Il a fallu six mois pour organiser cet exercice de simulation, qui s’est déroulé sur une semaine entière. Un centre opérationnel d’urgence a été mis en place, avec des briefings réguliers sur la situation. Des équipes ont été déployées dans les exploitations et sur les routes pour effectuer des contrôles sanitaires sur les animaux, prévenir la propagation de la maladie et informer la population. « Nous devions faire en sorte que tout le monde comprenne la gravité de la situation, non seulement pour la santé animale, mais aussi pour l’ensemble du secteur de la production porcine et pour l’économie du pays. Les autorités locales ont été d’un grand soutien : nous avons beaucoup travaillé pour faire connaître la simulation », explique la docteure Tavares.
Les équipes ont travaillé ensemble pour mettre en œuvre le plan d’urgence et trouver des solutions à des questions pratiques telles que l’élimination des animaux infectés. « Comme lors d’une situation réelle, nous disposions d’une quantité limitée de matériel et nous avons dû trouver la meilleure façon possible de le partager et de le distribuer », explique la docteure Tavares. « Tout comme dans une crise réelle, les participants ont commencé à être fatigués au bout d’une semaine de gestion de l’urgence. Pourtant, les crises réelles peuvent durer bien plus longtemps. Un bon encadrement était essentiel pour que chacun reste motivé et impliqué, ainsi que pour maintenir un état d’esprit constructif de la part de professionnels qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble. »
S’appuyer sur les enseignements tirés de l’exercice de simulation
Dans l’état brésilien de Santa Catarina, l’équipe de la docteure Tavares avait déjà organisé des exercices de simulation en vue d’une éventuelle flambée d’influenza aviaire et de fièvre aphteuse. Mais cet exercice particulier sur la peste porcine africaine était d’une ampleur sans précédent, puisqu’il s’agissait du premier exercice jamais réalisé sur cette maladie dans le pays. « Nous avons tiré de précieux enseignements », explique-t-elle. « Tout d’abord, l’implication humaine de tous les acteurs concernés est essentielle. Deuxièmement, nous avons dû rédiger un manuel détaillant la mise en place d’un centre opérationnel en cas d’urgence et l’organisation des équipes. »
Maintenant que l’exercice est terminé, l’équipe de la docteure Tavares est en train d’élaborer ce manuel sur la base de cet exercice et d’exemples provenant d’autres États brésiliens, afin de compléter le plan d’urgence national. Elle s’inspirera également des lignes directrices de l’OMSA pour les exercices de simulation. Ce manuel permettra de partager les bonnes pratiques tirées de l’exercice de Presidente Getúlio entre les différentes professions et au-delà des frontières, avec d’autres états brésiliens ainsi qu’avec les pays voisins.
L’OMSA a apporté son soutien à l’événement et continue d’améliorer ses activités de préparation aux situations d’urgence. Elle encourage vivement ses Membres à notifier leurs activités d’exercices de simulation afin de renforcer leur visibilité, d’encourager la solidarité entre les pays et d’éviter toute confusion avec un événement réel.
87 % des Membres disposent d’un plan d’urgence pour au moins une maladie.
Mais seuls 45 % des Membres ont déclaré avoir effectué un exercice de simulation.
408 exercices de simulation ont été déclarés entre 2002 et 2021, surtout en Europe et dans les Amériques.
Source : Rapport annuel de l’Observatoire 2022
Partager l’expérience sur la gestion des urgences au-delà des frontières et des secteurs
La peste porcine africaine n’est pas la seule maladie à avoir provoqué des urgences en matière de santé animale au cours des dernières années. De nombreux autres pays se préparent également à d’éventuelles flambées d’autres maladies telles que l’influenza aviaire ou la fièvre aphteuse en procédant à des exercices de simulation.
Mais les maladies ne sont pas les seules menaces auxquelles les Services vétérinaires peuvent être confrontés. Ils doivent également se préparer à d’autres types d’urgences, y compris celles liées à l’agro-terrorisme. À cet égard, l’OMSA a récemment coordonné un exercice de simulation transfrontalier en collaboration avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), et avec le soutien de la Commission européenne pour la lutte contre la fièvre aphteuse (EuFMD). L’exercice Phoenix a réuni des Services vétérinaires et des agents des services chargés de l’application de la loi de 12 pays pour étudier les modalités d’enquête et d’intervention en cas d’acte d’agro-terrorisme. L’exercice a également permis d’étudier le rôle des organisations internationales dans de telles situations d’urgence. L’objectif final : être prêt à coopérer aux niveaux national, régional et international et entre les différents secteurs en cas d’événement agro-terroriste réel.
Lors d’une situation d’urgence, l’efficacité de la réponse dépend du niveau de préparation du personnel vétérinaire et des autres parties concernées. C’est pourquoi l’OMSA vise à renforcer leur résilience face à tous les types d’urgences, qu’il s’agisse d’épidémies, d’agro-criminalité, d’agro-terrorisme, de conflits sociaux ou d’événements climatiques extrêmes. « Nous ne pouvons pas toujours prévoir une situation d’urgence, mais nous pouvons nous y préparer », déclare Keith Hamilton, Chef du Service Préparation et Résilience.
Dans le cadre de son programme plus large de gestion des urgences, l’OMSA élabore des normes et des lignes directrices internationales pour faire face aux menaces qui pèsent sur la sécurité sanitaire, et notamment des plans d’urgence.
Le professeur Ian Brown est virologue et directeur des services scientifiques à l’Agence de santé animale et végétale du Royaume-Uni. Il préside actuellement le comité de pilotage d’OFFLU.
Cette interview a été conduite en mars 2023.
Pourquoi avoir créé un réseau d’expertise sur l’influenza animale ?
Au début des années 2000, la communauté internationale a pris conscience du nouveau défi que représentait l’une des influenzas animales : l’influenza aviaire. En tant que spécialistes de la maladie, nous avons dû faire face à une forte demande d’expertise et de soutien. Nous avons ressenti le besoin de coordonner nos efforts et de former une masse critique parlant d’une seule voix. OFFLU a été créé en tant que réseau scientifique indépendant conjointement par l’OMSA et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
À l’époque, l’influenza aviaire touchait des pays qui étaient dépourvus d’expérience en la matière. D’autres pays, en Asie du Sud-Est par exemple, savaient comment réagir localement, mais ils sollicitaient le soutien de la communauté internationale : disposaient-ils des bons diagnostics ? Quel type de surveillance devaient-ils exercer sur la population animale ? Disposaient-ils des connaissances nécessaires pour lutter contre la maladie ? Quelles étaient les mesures à mettre en œuvre ? Quel était le risque pour la santé humaine ?
En 2022, l’influenza aviaire a connu une recrudescence mondiale qui se poursuit encore aujourd’hui : OFFLU est plus que jamais indispensable pour partager et capitaliser sur les connaissances existantes sur la maladie.
OFFLU en 2022 : partager des informations essentielles avec toutes les parties prenantes
En 2022, OFFLU a recueilli et partagé des informations sur les virus de l’influenza en circulation afin de faciliter l’évaluation des risques pour l’humain et l’animal. Ces informations sont également essentielles pour aider les chercheurs à mettre au point des vaccins contre la grippe saisonnière chez les humains.
Quel type de soutien le réseau d’expertise peut-il apporter aux pays qui ne sont pas encore équipés pour lutter contre la maladie ?
Le réseau d’expertise s’est positionné comme une base de données centrale et un lieu de référence vers lequel les parties prenantes peuvent se tourner pour poser toutes leurs questions. Le réseau constitue également une ressource pour l’OMSA et la FAO en vue de l’élaboration de recommandations et de l’établissement de meilleures pratiques : nous publions des documents d’orientation et participons à des groupes de travail et à des missions sur le terrain, afin d’aider les pays à développer leur capacité à faire face à la maladie.
Qui sont les experts à l’origine d’OFFLU ?
Nous sommes un réseau ouvert, donc par définition, nous n’excluons personne. Au début, nous n’étions qu’une dizaine de laboratoires de recherche. À mesure que nous avons développé des capacités dans les régions, d’autres partenaires ont rejoint OFFLU. Ils sont composés de chercheurs et de diagnosticiens, mais également de spécialistes en épidémiologie, surveillance, de professionnels de la santé et de la sécurité, de vétérinaires… Lorsque l’épidémie de grippe H1N1 a éclaté en 2009, nous avons créé un sous-groupe sur cette maladie qui était encore relativement négligée. D’autres sous-groupes ont suivi sur l’influenza équine, la faune sauvage, l’épidémiologie et la socio-économie.
Favoriser la collaboration grâce aux réseaux : tour d’horizon
En tant que chercheur, que gagnez-vous à faire partie d’un tel réseau d’expertise ?
Ces responsabilités viennent s’ajouter à mon travail quotidien, sur la base du volontariat, mais elles en valent la peine. Grâce à OFFLU, nous sommes la vigie mondiale en matière d’influenza animale. Nous sommes reliés à un réseau d’informations sur ce qui se passe dans d’autres parties du monde : les cas de maladies, les virus qui en sont la cause, la manière dont ils évoluent et se propagent, si et où ils affectent les humains… Travailler sous l’égide d’OFFLU permet de réunir des spécialistes du monde entier, chacun avec une vision et une approche des problèmes qui lui sont propres. En tant que collectif, nous avons accès à des financements importants et à des programmes financés à l’échelle internationale.
Parlez-vous collectivement ou à titre individuel ?
Nous faisons les deux, pour autant que nous conservions notre impartialité. Par exemple, nous travaillons actuellement sur une initiative visant à cartographier toutes les variations des virus responsables de l’influenza aviaire. Notre rapport sera mis à la disposition de la communauté internationale pour réfléchir au meilleur choix de vaccins pour les volailles. Nos données sont utiles parce qu’elles sont recueillies de manière impartiale. Nos organisations respectives, l’OMSA et la FAO, préservent notre liberté d’expression scientifique.
Nos données sont utiles parce qu’elles sont recueillies de manière impartiale. Nos organisations respectives, l’OMSA et la FAO, préservent notre liberté d’expression scientifique.
Professeur Ian Brown
Qu’est-ce qui permet à votre réseau de perdurer au bout de vingt ans d’existence ?
Il est important que chaque membre perçoive la valeur de sa contribution. Les résultats de notre analyse collective sont partagés avec le réseau afin que chacun ait envie de continuer à y contribuer. Il est essentiel de pouvoir disposer d’un secrétariat de qualité, tel que celui de l’OMSA, pour que l’information continue de circuler.
Quels conseils donneriez-vous aux nouveaux réseaux scientifiques ?
Mon conseil serait de commencer petit, avec un objectif très clair, afin de ne pas trop épuiser vos ressources. Les gens ont tendance à travailler avec des collègues qu’ils connaissent et en qui ils ont confiance. Nous avons commencé avec un petit groupe de personnes qui se connaissaient très bien. Au fil du temps, avec l’élargissement de notre champ d’action, d’autres personnes ont souhaité nous rejoindre. Mais nous avons conservé notre objectif commun : notre rôle est de donner aux pays les meilleures informations et les meilleurs conseils possibles pour lutter contre l’influenza animale.
16 août 2022 : les scientifiques du laboratoire ADAFSA, le Centre collaborateur de l’OMSA pour les systèmes de gestion de la qualité aux Émirats Arabes Unis (EAU), se sont réunis pour la toute première fois avec des experts indépendants après avoir eu de premiers entretiens à distance. L’objectif : évaluer la capacité de leur réseau national de laboratoires vétérinaires. Cette mission « Laboratoires durables » – une option proposée dans le cadre du Processus « Performance des services vétérinaires » (PVS) de l’OMSA – est devenue une activité hybride, à la fois virtuelle et en présentiel, afin de répondre aux besoins urgents en matière de développement des capacités à la suite de la pandémie.
« La mission hybride PVS nous a permis de nous pencher en profondeur sur nos fonctions »
Préparant le terrain pour les réunions physiques de 2022, la première série de consultations entre les membres des laboratoires et les experts a permis de lancer un processus de collecte de données dès le mois d’avril. Ce calendrier plus large que celui des missions PVS traditionnelles a permis de garantir la disponibilité maximale de tous les participants et a constitué un facteur essentiel dans la réussite de la mission.
« Le format hybride a permis d’évaluer l’efficacité et la durabilité de notre système de laboratoire et d’obtenir davantage d’informations, de connaissances et de commentaires de la part des experts », déclare la Dre Asma Mohammed, directrice des laboratoires vétérinaires de l’ADAFSA. « C’était le meilleur moyen de faire participer notre équipe de laboratoire sans affecter notre charge de travail ».
L’outil de collecte de données fourni par l’OMSA a permis aux participants de visualiser et d’évaluer immédiatement leurs propres données. Il leur a donné l’occasion de « se pencher en profondeur sur [leurs] fonctions », ce qui a rendu les phases ultérieures d’évaluation et de recommandation plus pertinentes.
Donner aux Membres des informations exploitables pour améliorer la santé animale
Avec le soutien des experts PVS de l’OMSA, tant au niveau virtuel que physique, les participants des Émirats Arabes Unis ont fait des progrès significatifs en capitalisant sur leur expertise unique en matière de maladies des dromadaires, telles que le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), la peste des petits ruminants (PPR) et la brucellose. Consciente de l’importance scientifique d’un diagnostic fiable de ces maladies et de son potentiel commercial à l’échelle mondiale, l’équipe de la Dre Mohammed a désormais pour objectif de devenir un fournisseur certifié de programmes d’essais d’aptitude. « L’objectif est d’améliorer les systèmes de santé des dromadaires en mettant en œuvre les normes internationales de l’OMSA, et de communiquer et de diffuser ces normes au-delà de nos frontières », explique la Dre Mohammed.
Les participants ont également lancé un partenariat avec des établissements universitaires nationaux pour lancer des kits d’histopathologie destinés à la formation. Grâce aux échantillons collectés depuis plus de vingt ans lors d’analyses post-mortem de dromadaires, les participants ont pu combler le manque de lames histopathologiques disponibles dans le commerce pour les maladies des dromadaires, et fournir aux étudiants universitaires ce matériel de formation spécifique. Les experts PVS ont lancé l’idée de créer des kits numériques qui seront distribués au niveau mondial, offrant ainsi un outil de formation de pointe aux universités du monde entier et un investissement financier pour les laboratoires ADAFSA. « Cette initiative contribue à la santé animale, à la qualité des tests, à l’amélioration du niveau de compétence humaine et technique et constitue un domaine d’investissement », déclare la Dre Mohammed.
Renforcement des capacités au niveau régional grâce à une formation hybride
Une approche hybride similaire a été choisie pour la session de formation de 2022 sur la résistance aux antimicrobiens (RAM) organisée dans le cadre du projet Tripartite « Travailler ensemble pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens » (OMSA, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et Organisation panaméricaine de la santé), financée par l’Union européenne. La formation a été dispensée par l’Institut ANLIS-Malbrán d’Argentine, un centre collaborateur de l’OMS. Les participants de plusieurs pays des Amériques ont abordé les aspects théoriques de la RAM au cours de neuf sessions virtuelles avant de mettre leurs nouvelles capacités à l’épreuve lors d’un atelier pratique intensif de trois jours.
Le partage des connaissances, des procédures et des meilleures pratiques faisait partie intégrante de la formation. Les participants ont également pu collaborer et partager leurs expériences pendant la phase de l’atelier qui s’est déroulée sur place. Ils ont salué les échanges et la connectivité que cet atelier a permis d’établir au-delà des frontières nationales, à l’échelle régionale.
Former le personnel vétérinaire au-delà des frontières
Parce que la formation continue et flexible du personnel vétérinaire constitue un élément essentiel dans l’amélioration de la santé animale au niveau mondial, l’OMSA compte poursuivre des missions PVS hybrides à l’avenir. En parallèle, elle continue de proposer des activités de renforcement des capacités de qualité à tous ses Membres : en 2022, son portail de formation en ligne a de nouveau offert gratuitement des ressources, des activités et des échanges aux acteurs de la santé animale dans le monde entier. En outre, plus de 25 nouveaux modules sont actuellement en cours de préparation, couvrant des domaines tels que la gestion des urgences, les échanges commerciaux et la surveillance de la faune sauvage, ainsi que le leadership dans les Services vétérinaires. Certains d’entre eux feront partie du catalogue de formation en ligne de l’organisation en 2023.
Les maladies émergentes sont souvent imputées à la faune sauvage, mais elles peuvent également être causées par l’activité humaine, le changement climatique, la déforestation et même certaines pratiques agricoles qui perturbent les écosystèmes. Lorsque la nature et les écosystèmes sont déséquilibrés, la santé de tous en pâtit. Les animaux sauvages peuvent être tout aussi affectés que les humains par certains agents pathogènes, qui sont particulièrement désastreux pour les espèces menacées ou vulnérables. Les épidémies peuvent également entraîner des répercussions sur les moyens de subsistance, car la faune sauvage représente une source majeure de nourriture et de revenus pour les communautés locales. Les chauves-souris, par exemple, sont porteuses de maladies, mais sont également des pollinisateurs essentiels et des disséminateurs de graines, indispensables au maintien de la sécurité alimentaire humaine dans le monde ainsi qu’à la santé des écosystèmes.
La sauvegarde de la santé de la faune sauvage permet de maintenir l’équilibre d’écosystèmes cruciaux et de préserver la santé des animaux et des humains.
Renforcer la surveillance par la collaboration et la détection précoce
Dans son Cadre en faveur de la santé de la faune sauvage, l’OMSA propose des orientations et un parcours bien défini afin de relever les défis à l’interface humain-animal-environnement. La détection précoce étant essentielle pour la prévention des pandémies, l’OMSA contribue à renforcer les connaissances sur la santé de la faune sauvage, et œuvre au renforcement des capacités de surveillance au niveau national. La faune sauvage est par nature difficile à surveiller, mais la tâche peut être encore plus ardue si, par exemple, les systèmes de surveillance des animaux domestiques et sauvages sont gérés par des institutions distinctes. Il est nécessaire de pouvoir disposer d’un système hautement intégré, ainsi que d’une collaboration entre les secteurs de la santé animale, végétale et humaine dans le cadre de l’initiative « Une seule santé ». C’est pourquoi l’OMSA s’est déjà engagée dans des projets de collaboration à long terme avec de multiples acteurs, tels que la CITES qui régit le commerce des espèces menacées d’extinction.
La santé de la faune sauvage sur le terrain : collecte et analyse d’échantillons au Cameroun
Toutes les photos sont de J.-F. Lagrot
2022 : l’année de la recrudescence de la grippe aviaire chez la faune sauvage
La collaboration sera déterminante pour endiguer la vague des multiples foyers de grippe aviaire qui ont perturbé la filière avicole en 2022, avec des taux de mortalité décimant des élevages entiers et conduisant à des abattages préventifs massifs. Bien que la plupart du temps, la grippe aviaire soit asymptomatique chez les oiseaux sauvages, les récents foyers ont entraîné un nombre inquiétant de morts dans la faune sauvage.
Cela nous rappelle à nouveau la rapidité avec laquelle certaines maladies peuvent passer d’une espèce à l’autre : 240 cas de grippe aviaire ont été signalés à l’OMSA chez des mammifères marins et terrestres tels que des loutres, des dauphins et même des grizzlis en 2022. La maladie tue un nombre sans précédent d’animaux sauvages, y compris parmi des espèces vulnérables et menacées d’extinction. L’infection de mammifères est relativement inhabituelle et indique que le virus continue à s’adapter rapidement, ce qui augmente le risque potentiel d’une future propagation chez les mammifères, y compris chez l’humain. À l’heure actuelle, la propagation de la grippe aviaire est principalement favorisée par les oiseaux sauvages migrateurs, ainsi que par le commerce réglementé et non réglementé des oiseaux, et s’est étendue à de nouvelles régions où la forme hautement pathogène de la maladie n’avait pas été détectée depuis 20 ans.Tout au long de cette crise, l’OMSA a encouragé la notification rapide des cas de grippe aviaire et a rappelé à ses Membres qu’ils devaient observer des pratiques strictes en matière de biosécurité et d’hygiène. Ces mesures sont communiquées par le biais d’un portail dédié à la grippe aviaire sur le site web de l’Organisation, où sont également disponibles les nouvelles lignes directrices sur la grippe aviaire et la gestion des risques liés à la faune sauvage.
Alerte : un jeu éducatif pour améliorer la santé de la faune sauvage
Pour prévenir les épidémies de fièvre hémorragique virale, il est essentiel de renforcer la préparation au niveau local et régional. En 2022, dans le cadre du projet EBO-SURSY, l’OMSA a lancé un nouveau jeu éducatif appelé « Alerte » pour aider à former le grand public à son rôle dans le système de surveillance.
Le jeu permet aux utilisateurs d’améliorer leurs connaissances sur leur rôle spécifique dans la chaîne d’alerte et de réponse – qui notifier et quand – de manière collaborative. Une communication précise et opportune sur la santé de la faune sauvage est cruciale ; c’est pourquoi le jeu a été développé par l’OMSA afin que les communautés se sentent plus en confiance pour signaler aux responsables locaux chargés de la santé et de la faune sauvage les éventuels foyers et les contaminations survenant au sein de leur environnement naturel. Le succès d’un système de surveillance de la santé de la faune sauvage dépend de l’implication totale de toutes les parties prenantes, et en particulier des communautés locales : en fournissant aux professionnels de santé des alertes précoces sur les contaminations au sein de la communauté, elles jouent un rôle essentiel dans la détection précoce des maladies.
Le personnel vétérinaire et les agents de terrain de tous les secteurs concernés sont également encouragés à utiliser le jeu. Celui-ci devrait les aider à mieux comprendre leurs rôles et responsabilités dans le système de surveillance de leur région.
En raison de son succès, le jeu sera adapté à d’autres régions qui en ont besoin, comme l’Asie.
Au cours des dernières décennies, un large spectre de bactéries, de virus et de parasites ont développé une résistance aux antibiotiques et à d’autres médicaments antimicrobiens. Pour s’assurer que ces traitements essentiels restent efficaces, l’OMSA recueille des données sur les quantités et les motifs d’utilisation des antimicrobiens chez les animaux dans le monde entier. Ces informations sont précieuses pour réduire leur utilisation excessive et incorrecte et freiner la propagation de la RAM.
Depuis 2015, les services vétérinaires du monde entier communiquent à l’OMSA des informations sur l’utilisation d’antimicrobiens chez les animaux dans leur pays. Pour faciliter l’accès à ces informations essentielles et en constante augmentation, la base de données a récemment été entièrement numérisée. En 2022, la nouvelle plateforme en ligne sur les agents antimicrobiens destinés à être utilisés chez les animaux, ANIMUSE (pour ANImal antiMicrobial USE), a commencé à être testée par les pays avant son lancement public, prévu en 2023. Elle comprend des rapports simplifiés, des contrôles d’erreurs et des outils de visualisation des données qui facilitent l’analyse et la communication. À terme, elle vise à améliorer les pratiques des personnels vétérinaires en matière d’utilisation des antimicrobiens.
Proposer une analyse accessible de l’utilisation des antimicrobiens
La Dre Carolee Carlson, vétérinaire et épidémiologiste à l’Agence de santé publique du Canada, a participé au développement de la nouvelle plateforme. Elle a été parmi les premiers experts à la tester et à en mesurer les avantages. « ANIMUSE facilitera notre travail à bien des égards. Cette plateforme recueille suffisamment d’informations pour être utile, mais pas trop pour ne pas être surchargée. Je peux retrouver toutes les données que j’ai téléchargées au cours des dernières années, les comparer, voir le classement du Canada et ses tendances dans le temps. L’outil de détection des erreurs est très précieux, en particulier pour des données aussi complexes que celles-ci, qui proviennent de sources diverses. »
« La plateforme est très utile, car elle permet d’importer et d’utiliser les données beaucoup plus rapidement », explique quant à elle la Dre Slobodanka Božić, point focal de l’OMSA sur les produits vétérinaires pour la Bosnie-Herzégovine. Ancienne vétérinaire de terrain, elle est aujourd’hui chargée de recueillir des données sur l’utilisation des antimicrobiens pour le compte de l’office vétérinaire national de son pays. La Dre Božić a commencé à télécharger des données sur ANIMUSE en 2022. « La plateforme est pratique pour créer des présentations facilement utilisables pour les ministères et autres interlocuteurs clés. Notre pays ne dispose pas encore d’un plan d’action national sur la résistance aux antimicrobiens, c’est pourquoi une meilleure communication des données est un outil essentiel pour sensibiliser à cette question. »
Des solutions évolutives pour encourager la participation
En février 2023, quatre-vingt-douze pays avaient déjà transmis des informations à la base de données mondiale de l’OMSA sur la résistance aux antimicrobiens. Tous les pays, qu’ils soient Membres ou non de l’OMSA, peuvent participer à ce processus de notification. Ils soumettent alors des informations générales et, si des données quantitatives sont disponibles, peuvent choisir l’une des trois options proposées, en fonction du degré de détail de leurs données. « L’un des principaux atouts d’ANIMUSE est sa flexibilité, explique la Dre Carlson : les pays, quel que soit le niveau de leur programme de surveillance, peuvent déposer des rapports sur la plateforme. Même si un pays n’a qu’une connaissance limitée des quantités d’antimicrobiens utilisées chez les animaux, le fait de pouvoir accéder à la plateforme encourage les échanges et permet d’améliorer les choses au fil du temps. »
La Dre Božić a commencé à communiquer pour la Bosnie-Herzégovine en 2018, en utilisant l’option 1 : « À l’époque, je ne pouvais communiquer que sur le volume général d’antimicrobiens utilisés. Nous avons commencé par nos données sur les importations, puisque tous les antimicrobiens sont importés dans notre pays. En 2022, j’ai pu demander des informations aux grossistes et passer à l’option 3, avec beaucoup plus de détails sur les motifs d’utilisation, le type d’animaux et le mode d’administration des médicaments. Cela nous donne une image plus précise de l’utilisation des antimicrobiens dans notre pays. »
Une vision précise de l’utilisation des antimicrobiens pour améliorer les politiques publiques
Des données au niveau des exploitations sont également disponibles au Canada, y compris des informations sur les doses de médicaments, la durée et les motifs d’utilisation. « Du point de vue de l’intendance, ces données offrent de nombreuses possibilités. Par exemple, si vous savez qu’un produit est utilisé pour combattre une maladie spécifique, les décideurs politiques peuvent s’appuyer sur ces informations pour envisager le développement d’un vaccin comme alternative à l’utilisation d’antimicrobiens. Des informations détaillées sont notre meilleur atout dans la lutte. »
La plateforme ANIMUSE sera ouverte à la navigation publique en 2023.
Unir nos forces pour lutter contre la RAM
En novembre 2022, les ministres de la Santé, de l’Agriculture et les décideurs politiques du monde entier se sont réunis à Mascate (Oman) pour la troisième Conférence ministérielle mondiale de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens. Deux des objectifs clés convenus concernent exclusivement le secteur agroalimentaire :
- Réduire les quantités totales d’antimicrobiens utilisés chez les animaux et dans l’agriculture d’au moins 30 à 50 % d’ici 2030, en encourageant les efforts nationaux et mondiaux.
- Préserver les antimicrobiens d’importance critique pour la médecine humaine, en mettant fin à l’utilisation d’antimicrobiens médicalement importants à des fins non médicales chez les animaux, notamment comme promoteurs de croissance.
ANIMUSE joue un rôle clé dans le soutien que nous apportons à nos Membres pour atteindre ces objectifs : elle aide le personnel vétérinaire à comprendre et à surveiller l’utilisation des antimicrobiens de façon harmonisée et comparable sur la durée. À terme, elle permettra également l’analyse et la comparaison entre secteurs.